miércoles, 15 de octubre de 2014

Charles Baudelaire: L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

El albatros

Por divertirse a veces suelen los marineros
cazar a los albatros, aves de envergadura,
que siguen, en su rumbo indolentes viajeros,
al barco que se mece sobre la amarga hondura.

Apenas son echados en la cubierta ardiente,
esos reyes del cielo, torpes y avergonzados,
sus grandes alas blancas abaten tristemente
como remos que arrastran a sus cuerpos pegados.

Este viajero alado, ¡oh, qué inseguro y chico!¡
Hace poco tan bello, ¡qué débil y grotesco!¡
¡Uno con una pipa le ha chamuscado el pico,
imita otro su vuelo con renqueo burlesco!

El Poeta es semejante al príncipe del cielo
que puede huir las flechas y el rayo frecuentar;
entre mofas y risas exiliado en el suelo,
sus alas de gigante le impiden caminar.


Versión de Ignacio Caparrós.

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